L’expérience ALPHA lève un peu plus le voile sur l’antimatière

Genève, 22 août 2018. Dans un article publié aujourd’hui dans la revue Nature, la collaboration ALPHA annonce qu’elle a littéralement atteint un niveau supérieur dans la compréhension de l’antimatière. Les scientifiques ont en effet observé pour la première fois la transition électronique Lyman-alpha dans l’atome d’antihydrogène, l’homologue de l’hydrogène dans l’antimatière. Ce résultat, qui intervient peu après une autre mesure réalisée récemment par la collaboration, montre qu’ALPHA ouvre résolument la voie à des expériences de précision qui pourraient lever le voile sur certaines différences de comportement entre la matière et l’antimatière. La transition Lyman-alpha (ou 1S-2P) est l’une des transitions électroniques découvertes dans l’atome d’hydrogène il y a plus d’un siècle par le physicien Theodore Lyman, et qui constituent la « série de Lyman ». La transition se produit lorsqu’un électron passe de son niveau d’énergie le plus faible (1S) à un niveau d’énergie plus élevée (2P), avant de revenir au niveau 1S en émettant un photon à une longueur d’ondes de 121,6 nanomètres. Cette transition est très particulière. En astronomie, elle permet aux scientifiques de sonder l’état du milieu présent entre deux galaxies et de mettre à l’épreuve des modèles du cosmos. Dans le cas des études sur l’antimatière, elle pourrait permettre de réaliser des mesures de précision sur la manière dont l’antihydrogène réagit à la lumière et à la gravité. Le fait de trouver la moindre différence entre le comportement de l’antimatière et celui de la matière permettrait de consolider les fondations du Modèle standard de la physique des particules et éventuellement de mieux comprendre pourquoi l’Univers est constitué presque intégralement de matière, alors que matière et antimatière auraient été produites en quantités égales lors du Big Bang. La collaboration ALPHA produit des atomes d’antihydrogène en recueillant des antiprotons du Décélérateur d’antiprotons (AD) du CERN, et en les liant à des positons provenant de l’isotope Na-22. Elle emprisonne ensuite les atomes d’antihydrogène qui en résultent dans un piège magnétique, qui les empêche d’entrer en contact avec la matière et d’être annihilés. Une lumière laser est alors projetée sur les atomes d’antihydrogène piégés, de manière à mesurer la réaction spectrale de ces derniers. Pour obtenir ces mesures, on utilise une gamme de fréquences laser et on compte le nombre d’atomes échappés du piège du fait des interactions entre le laser et les atomes piégés. La collaboration ALPHA a utilisé précédemment cette technique pour mesurer la transition dite 1S-2S. En adoptant la même approche, à partir d’une série de longueurs d’ondes laser au voisinage de 121,6 nanomètres, ALPHA a maintenant détecté la transition Lyman-alpha dans un atome d’antihydrogène et mesuré sa fréquence avec une précision de l’ordre de quelques parties pour cent millions, en obtenant une bonne concordance avec la transition équivalente dans l’hydrogène. La précision n’est pas aussi élevée que celle obtenue dans l’hydrogène, mais ce résultat représente un progrès technologique important en vue d’utiliser la transition Lyman-alpha pour refroidir des échantillons volumineux d’antihydrogène au moyen de la technique de refroidissement par laser. Grâce à tels échantillons, les scientifiques pourraient faire en sorte que ces mesures et d’autres mesures de l’antihydrogène soient d’une précision telle qu’il soit possible de voir apparaître des différences entre le comportement de l’antihydrogène et celui de l’hydrogène.« Nous sommes vraiment contents de ce résultat, déclare Jeffrey Hangst, porte-parole de l’expérience ALPHA. La transition Lyman-alpha est, on le sait, difficile à analyser – même dans de l’hydrogène “normal”. C’est en tirant parti de notre capacité de piéger et de garder pendant plusieurs heures un grand nombre d’atomes d’antihydrogène, et en utilisant une source pulsée de lumière laser Lyman-alpha, que nous avons réussi à l’observer. La prochaine étape sera le refroidissement par laser, qui changera la donne pour ce qui est des mesures spectroscopiques et gravitationnelles de précision. »

A propos du CERN
Le CERN, Organisation européenne pour la Recherche nucléaire, est l’un des plus éminents laboratoires de recherche en physique des particules du monde. Située de part et d’autre de la frontière franco-suisse, l’Organisation a son siège à Genève. Ses États membres sont les suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Israël, Italie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Suède et Suisse. Chypre, la Serbie et la Slovénie sont États membres associés en phase préalable à l’adhésion. L’Inde, la Lituanie, le Pakistan, la Turquie et l’Ukraine sont États membres associés. Les États-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, le Japon, le JINR, l’UNESCO et l’Union européenne ont actuellement le statut d’observateur.

www.cern.ch